La Trilogie Foraine, qu’est-ce que c’est ?
C’est un ensemble de trois spectacles indépendants et autonomes, mais qui s’enrichissent, dans le sens et dans la forme, lorsqu’ils sont programmés à la suite.
Cette suite est La Bête, Misérables ! et Le Film du Dimanche Soir.
Ces trois spectacles sont joués dans le même décor, et interprétés par les mêmes personnages : La Famille Annibal
La Bête | Misérables ! | Le Film du dimanche soir |
Annibal, le bonimenteur.
Roger Cabot, la star sur le déclin.
Angelo, le technicien co-producteur cupide.
Bernardo, le factotum muet, souffre douleur de la famille.
et José, le fils adoptif, joli coeur et rebelle.
Chaque spectacle apporte une pierre à l’édifice qu’est cette famille qui survit depuis des siècles au gré des foires et des fêtes foraines.
La Famille s’agrandissant au cours de siècles, elle s’agrandit également au cours des spectacles, et c’est pour cela que nous retrouvons.
Bob et Jim, neveux et ouvreurs de l’Annibal Palace
Leur seul talent est d’arriver à faire croire qu’ils en ont, mais à ce jeu ils sont imbattables.
La Trilogie Foraine, pourquoi ?
C’est une réflexion sur la dramaturgie en trois actes, jouée dans l’espace du public, et donc construite avec le public.
Quand bien même notre dispositif scénique ressemble plus à un théâtre sans les murs qu’à une baraque traditionnelle, une « parade », telle qu’on l’entend dans le théâtre forain, s’impose avant la représentation.
Parade plus souvent appelée la « chauffe » de nos jours.
Elle suppose donc la présence d’un bonimenteur, figure indissociable du théâtre forain. Maître de cérémonie, monsieur Loyal, animateur, ordonnateur, celui qui s’adresse directement au public, ici et maintenant.
Cette parade est à la fois très écrite, puisque c’est elle qui va, en contrebande, donner les conventions de la représentation, et introduire les « personnages » qui vont donner la représentation ; et en grande partie improvisée avec le public, en fonction de ses réactions, ce qui lui donne un côté informel, alors qu’elle est en fait nécessaire.
Le terme de « personnages » est essentiel car c’est un autre élément constitutif de la dramaturgie de notre théâtre forain.
Car ce ne sont pas des comédiens qui vont directement jouer le spectacle, mais leurs «personnages».
Ce personnage, cet avatar, est un intermédiaire entre le comédien et les personnages de l’histoire à proprement dite, et renforce la dramaturgie créant une empathie supplémentaire.
Car notre théâtre forain ne s’inscrit pas dans la dramaturgie en trois actes telle que la décrit Aristote : Protase/épitase/catastrophe ou configuration/confrontation/résolution, mais plutôt telle que le souligne Frank Daniel : « Dites ce que vous allez faire / faîtes-le / dites que vous l’avez fait. »
Et dans notre théâtre forain, cette forme est prise au pied de la lettre!
La Trilogie Foraine, Du sang, de la sueur et des larmes!
L’ensemble de la représentation des trois spectacles de notre trilogie est d’ailleurs très cadrée, puisque le bonimenteur annonce dès le début du premier acte : « Je vous promets du sang, de la sueur, et des larmes ! » Et conclut le dernier acte par : « Je vous avais promis du sang, de la sueur et des larmes, j’espère vous avoir comblé. »
La référence historique de la citation ne fait pas peur au bonimenteur, puisque le ressort du théâtre forain est également de s’inscrire à la hauteur des plus grands événements. Ce qui stimule autant la curiosité du spectateur que ça l’amuse.
Dans MISERABLES !, après avoir interprété dans une chorégraphie loufoque le chapitre «Tempête sous un crâne» le bonimenteur, avec modestie, n’hésite pas à laisser tomber innocemment : «Tout cela pour vous montrer à quel point la danse moderne est redevable à la tradition foraine ! Et comment, pour un euro seulement, vous avez pénétré les arcanes de la création contemporaine !»
Et scène par scène, les annonces se font, toutes plus hyperboliques les unes que les autres, car c’est aussi la base du théâtre forain que de promettre beaucoup, et payer en retour avec les moyens du bord, pour satisfaire malgré tout les spectateurs les plus exigeants. Et c’est sur ce point exactement, que le théâtre forain peut, on non, être du grand art.
Que l’on annonce « Le corps qui parle », « La bouche en or » ou « La mémoire d’éléphant » dans LA BÊTE.
« Les 2 000 pages des Misérables résumés en 3 minutes 30 », ou « La scène coupée au montage du roman » dans MISERABLES !
Ou que l’on propose aux spectateurs de nous aider à massacrer les Indiens du film en leur vendant des revolvers dans LE FILM DU DIMANCHE SOIR.
Il faudra, le montrer, le prouver après l’avoir annoncé. Et chaque spectateur peut ainsi disséquer les moyens mis en œuvre pour jouer chaque scène.
Cette distanciation à la représentation, qui plus est, dans une scénographie ouverte avec coulisses apparentes, changement de décor et de costumes à vue s’apparente à première vue à un théâtre brechtien.
D’où l’importance des « personnages » qui jouent le spectacle, et les allers et retours incessants entre la représentation qu’ils donnent, et la réalité qu’ils vivent.
Ce qui leur permet de jouer, comme si le spectacle se fabriquait en temps réel au cours de la représentation et met en scène, en réalité, l’histoire de ces « personnages » qui sont en train de le jouer, permettant ainsi, et malgré tout, et selon la formule d’Aristote : » d’exciter la crainte et la pitié ! »
Habile pirouette, qui permet d’entraîner le spectateur, de l’objet du spectacle à l’enjeu de sa représentation. Et qui laisse la représentation ouverte à toute forme d’improvisation et de jeu avec le public. Et ouvre le propos à toutes les mises en abyme possibles.
La Famille Annibal en 2014
La Trilogie Foraine, une aventure théâtrale.
Voir les trois spectacles :
– c’est suivre le parcours d’une famille de saltimbanques à travers l’histoire du théâtre forain, des origines, jusqu’à l’exploitation du cinéma.
– c’est retrouver des personnages attachants et burlesques -comme on suit les aventures des Marx Brothers- à travers trois grands classiques de la dramaturgie populaire : Les Misérables, l’exhibition foraine, et le cinématographe.
– c’est s’adonner au plaisir de la série avec des épisodes que l’on peut suivre ou voir indépendamment les uns des autres.
La Trilogie Foraine, le quatrième spectacle !
Une trilogie à quatre spectacles !
Il faut être un sacré bonimenteur pour oser cet oxymore.
Disons plutôt un bonus associable à chacun des trois spectacles de la trilogie.
Un spectacle d’une autre forme où l’on retrouve les ressorts dramaturgiques forains :
– parade
– bonimenteur
– annonce/paiement
– hyperboles, le plus souvent proche de l’adynaton, qui trouvent toute leur saveur dans ces entresorts forains.
– Un premier acte « Dites ce que vous allez faire » dithyrambique et boursoufflé.
– Un deuxième acte « Faites-le » plus court que le premier, mais très riche en émotions de tous ordres.
– Et un troisième « Dites que vous l’avez fait » ou plutôt « Demandez au spectateurs de dire que vous l’avez fait » où le public devient complice de cette dramaturgie particulière.
Où l’on retrouve notre baraque traditionnelle dans laquelle les spectateurs doivent entrer par groupes de quinze pour voir le spectacle.
Cet appendice ludique à notre Trilogie Foraine s’intitule : L’Etrange Palace aux Révélations Surprenantes
On peut y retrouver des personnages classiques :
– Igor l’Homme Chauve-Souris
– Raymond l’Homme-Caoutchouc
Mais aussi
– de Véritables peaux-Rouges qui exécutent la Danse de la Pluie
– La Parade des Eléphants
– Poupoune un Nain Pervers
et la sulfureuse Lola dans le Strip-Tease de la Femme Invisible.